L'art en détention, un moyen d'évasion

Publié le par Collectif Prisons Vendée


Ouest-France 6 mars 2009

Les détenus de la maison d'arrêt ont laissé partir leurs oeuvres, hier, pour le Printemps des poètes. Parce qu'« en cellule aussi, on créé des choses ».

Reportage

Ils arrivent les uns après les autres. Un peu timides. Un peu fiers aussi. Car dans cette pièce de la maison d'arrêt, ce sont leurs oeuvres qui trônent sur les chevalets ou décorent les murs. Des peintures pleines de couleurs, des textes en peine de liberté.

Ici, ils sont à la fois détenus et artistes. Même si aucun n'ose utiliser le terme. « Avant ? Non, je n'écrivais pas. Je n'avais pas le temps », lance comme une évidence Gérard (1). On devine un travail, une vie « normale », avant un sérieux dérapage qui se dessine par bribes dans ses poèmes : « Je plaide coupable, je ne suis pas innocent. Condamnez-moi à jamais. Oubliez la peine plancher. Mettez-m'en pour l'éternité. »

Enfermé 23 heures par jour

Mais ici, il a le temps. Trop de temps même. Un de ses compagnons de cellule commente : « Si on ne fait rien, on reste enfermé 23 heures sur 24. La sortie, c'est une heure par jour. »

Alors Gérard s'est inscrit à tout : mathématiques, anglais, espagnol, informatique... Et s'est découvert une nouvelle passion : l'écriture. Ses sujets de prédilection ? La famille, la liberté, la justice et « l'Amour avec un grand A ». Ses supports ? Le poème, « les liaisons épistolaires » et même un essai, qu'il aimerait voir publier à sa sortie.

Il partage ce goût de l'écriture avec Jean. Mais ce dernier s'évade aussi en couleurs, grâce à sa palette de peintures. Deux heures par semaine, lors de l'atelier d'arts plastiques, il laisse voguer son imagination par-delà les murs de cette prison surpeuplée (voir Ouest-France de mercredi). « L'intérêt, c'est de s'occuper, de se changer les idées. Puis on se rend compte qu'on n'est pas inintéressant. »

« Deux ou trois mots dans le noir »

Dans sa cellule, il écrit aussi. Mais ce n'est pas toujours facile, à trois ou quatre dans 9 m2. Heureusement, il est entouré de « gens calmes ». De quoi laisser venir les mots, les coucher sur le papier aussi : « Même la nuit, si je me réveille et pense à quelque chose, j'essaie de noter deux ou trois mots dans le noir. »

À quelques pas de là, Jacques observe les oeuvres. Avant d'entrer en prison, il peignait. Mais curieusement, aucune de ses oeuvres n'est aujourd'hui exposée. « Ici, je ne suis pas du tout motivé. » Son oeil d'artiste n'a pas supporté l'enfermement : « En prison, on perd la vue. On ne voit plus l'horizon, on ne regarde plus droit devant nous, si ce n'est pour voir des murs. On vit constamment en lumière artificielle. »

Marylise KERJOUAN.

Ouest-France

Publié dans L'ART EN DETENTION

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