Un cadeau et des hommes
Un cadeau et des hommes
Ce mardi 20/12/2011 le RDV est à 11h au « bungalow », lieu d’accueil avant les parloirs, pour la préparation des enveloppes. Chaque année, à Noël, deux visiteurs en distribuent aux personnes détenues. A l’intérieur, un calepin, un petit calendrier, un stylo, trois enveloppes timbrées et des cartes de vœux. Modeste cadeau. A 13h30, Christelle et moi nous nous pointons à la porte de la maison d’arrêt. Le surveillant nous accueille bien quand nous lui disons « venir pour la distribution dans les cellules ». Il ne cherche pas à en savoir plus. Nous commençons au rez-de-chaussée. Les surveillants ouvrent les portes, nous annoncent parfois, se retirent, et nous laissent le temps de discuter avec chaque groupe. Les poignées de mains s'enchaînent, les bribes de conversation aussi. Là, nous parlons décoration « ça cache la misère » dit l’un d’eux. Un autre « chipe » les boules au sapin collectif planté dans le couloir. Certains dorment encore ou finissent leur nuit. Ici, ils attendent que les steaks décongèlent pour les faire cuire. Là, ils mangent froid. Pendant que ses collègues sont en promenade, c’est « au tour » de celui-ci de faire le ménage. Il prend cela très au sérieux. Dans un étage, ils sont plusieurs autour d’une table. Les malins confectionnent leurs cigarettes. Ils sont bien équipés. A plusieurs reprises, nous abordons le sujet de la promenade. S’ils n’y vont jamais, c’est par manque « d’envie ou peur des autres » avouent-ils. Les cuisiniers parlent de leur travail en bon terme « Le temps passe plus vite ». Les menus sont affichés sur leur porte. En fin de distribution, nous parlons activités et en particulier informatique avec un quadragénaire. Il maîtrise apparemment très bien l’outil pour l’avoir utilisé dans son travail. Ici, il n’y trouve pas son compte. Il passe son temps à « préparer sa sortie ». Les plus démunis livrent leur inquiétude pour le « colis de la Croix-Rouge ». Il nous faut bien préciser la date de réception et les conditions d’obtention. Deux d’entre eux ont versé 5o euros pour en recevoir un. Le calendrier distribué « pour la cellule » semble aussi important. « Ca permet de se repérer » ; D’autre sont moins intéressés. Les papas nous parlent spontanément de leurs difficultés en ces moments, à la pensée de ne pas être avec leurs enfants pour Noël. Ils abordent aussi le fait de ne pas souhaiter les voir « en ces lieux ». Un jeune nous confiera sa joie d’avoir une permission pour le vingt-cinq. Nous avons étés frappées par l’accueil chaleureux de chacun et leurs souhaits de « Bonnes Fêtes ». Les plus osés nous demanderont « Comment allez-vous passer Noël ? De notre côté, il nous est difficile de dire « Bonnes Fêtes malgré tout »
Vivre entassés dans ces cellules étroites, insalubres, souvent enfumées relèvent de l’exploit. Si le silence fait corps avec certains, d’autres en s’exprimant soulagent leur esprit. Quel défi de garder sa dignité d’homme malgré les actes commis, malgré la mise en marge de la société, malgré le temps des fêtes de famille qui sont de l’autre côté, malgré tous les vents contraires.
Ces quelques quatre-vingt-dix minutes passées entre quatre murs m’ont permis de me re-conforter dans l’idée qu’un homme vaut plus que l’acte qu’il a commis et que même en situation précaire, quiconque garde et révèle son humanité.
J’emprunte ces quelques lignes à Martin Gray« Il y a toujours une chance pour qu’un homme soit meilleur qu’il n’y paraît » et « Qui donne, reçoit »
Décembre 2011
Anne-Marie