Une personne libérée témoigne
Actualité La Roche sur Yon
mercredi 04 novembre 2009
Julien a passé six mois à la maison d'arrêt de La Roche-sur-Yon. Un quotidien difficile, entre violence contenue et promiscuité, dans une prison surpeuplée.
Cette année, Julien a passé six mois derrière les barreaux de la maison d'arrêt de La Roche-sur-Yon.Violence, promiscuité, intimité volée, il raconte cette expérience douloureuse.
Son profil
Julien (1) est un homme ordinaire, dont la vie a dérapé en 2008. Marié, la quarantaine, père de deux enfants, inséré socialement et professionnellement, il mène alors une vie tranquille quelque part en Vendée. Jusqu'à cette « bêtise ». Julien a un accident après une soirée très arrosée. De la « tôle froissée » mais les analyses révèlent une alcoolémie très au-dessus du seuil autorisé. Ça s'annonce mal pour Julien, car il est sous le coup d'une récidive.
Le jour de son incarcération
« Je n'ai jamais autant pleuré de toute ma vie. » En racontant le jour de son interpellation, Julien est encore tout secoué. Il a eu le sentiment d'être pris dans un guet-apens.
Il reçoit un coup de fil des gendarmes. Se rend à la brigade pour « signer un document ». Et là, crac. « Ils m'ont mis les menottes et embarqué à la maison d'arrêt. J'avais même pas une brosse à dent avec moi. Tout mon corps tremblait. » Il finit par obtenir l'autorisation d'appeler sa famille, pour l'avertir de son incarcération imminente.
Julien comprend d'autant moins ce qui lui arrive qu'il n'a jamais cherché à fuir ses responsabilités. Au contraire. « J'avais même écrit pour pouvoir purger ma peine, mais je n'ai pas eu de réponse. »
Car entre son jugement et l'exécution de sa peine, deux ans sont passés. « J'avais perdu mon boulot et je me voyais mal en chercher un en disant à mon patron que j'allais bientôt être écroué. » Comme son numéro d'écrou, sa première nuit reste gravée dans sa mémoire. « J'ai mis une semaine avant de trouver le sommeil. »
Les conditions de détention
« Dans mon malheur, j'ai eu de la chance. » Il est comme ça, Julien. Il positive beaucoup. Dans sa cellule, ils n'étaient « que » quatre pour moins de 10 m2. « Un peu un privilège pour ceux qui travaillent. » Il apprend très vite à faire une croix sur l'intimité, quand les toilettes sont occultées par un simple rideau et un muret.
Le décor ? Des lits superposés, une télé en hauteur, des étagères pour les effets personnels, un évier avec miroir, une table et des tabourets. Mais Julien mangera les deux premiers mois sur son lit. « Parce qu'il n'y a pas assez de place pour que tout le monde se mette autour de la table. » Mais aussi parce qu'une hiérarchie s'est installée. Les derniers arrivés doivent attendre leur tour. Pour lui, la maison d'arrêt est plutôt propre. La drogue ? « J'ai jamais vu autant de shit circuler. »
La violence
« Elle est plus psychologique que physique, remarque Julien. Les gars font attention. Ils n'ont pas envie de voir leur peine s'alourdir. » Cette violence, Julien l'a éprouvée. A plusieurs reprises, un caïd l'a plaqué contre le mur de la cellule. « Il ne supportait pas que je ne sois pas son larbin. » D'autres formes de violence sont à l'oeuvre. En particulier à l'égard des violeurs d'enfants, les parias de la prison. « L'administration fait attention à les laisser entre eux, pour qu'ils ne soient pas victimes de violences de la part d'autres détenus. »
Les leçons
« C'est une expérience qui peut briser. J'ai vu des gens sortir de prison totalement accroc aux médicaments. » Julien avait le sentiment de n'être pas à sa place. « J'avais conscience d'avoir fait une connerie et je devais payer. Mais je n'ai rien de commun avec les criminels. » Ce « voyage » derrière les barreaux l'aura fait, dit-il, « grandir ».
Recueilli par Philippe ECALLE.
Ouest-France